Instants #1

L'odeur acre des fumés sortant des cheminées de cette vieille usine ne faisait plus tousser depuis longtemps cette dame qui la regardait tristement. Elle avait vêtu sa plus belle robe. Non, elle n'allait pas à un bal ou à l'une des fêtes intimistes qu'organisait de temps à autre la nouvelle bourgeoisie. Ses cheveux roux lâchés encadraient son visage et soulignait son teint pâle. Elle passa le portail de bois dont la peinture craquelée se détachait. Elle traversa la rue pleine de badaud qui cherchaient à rejoindre le port. Cette femme ne se permit pas de monter sur l'autre trottoir. Elle s'inclina devant les grandes grilles en fer finement forgé de l'usine. Elle avait dans la main un petit objet de métal qui brillait dans la lumière de cette fin d'après-midi. Elle le porta contre sa tempe, le déclencha... L'objet tomba au sol, sans rebondir, faire plus de bruit aurait été impoli. Ce fut l'un des derniers bruits qu'on put entendre dans la rue. Les passants effarés s’immobilisèrent, silencieux.

Il jouait du violon. Cette mâtiné ensoleillé de printemps. Il était, comme à son habitude, monté sur le toit de la maison. Il lui suffisait d’ouvrir la trappe qui montait au grenier, de monter l’échelle, et de passer par la petite fenêtre.

Il pouvait rester assis là haut des heurs. Le toit ne glissait pas et sa pente était vraiment douce. Il lui arrivait de prendre un livre et de partir dans un autre monde. Un monde où le soleil était énergie et dont les mots d’ordre était douceur, plénitude et beauté.

Ce jour ci était différent. Il venait de perdre un repère, un ami. Il en souffrait. Il était monté sur le toit avec son violon et son archer. Le garçon jouait magnifiquement bien, mais il lui sembla que les notes qu’il jouait cette douce journée s’envolait, emporté par le vent.

Quand il eut fini le soleil tombait déjà. La lumière caressait les tuiles, comme si elle essayait de les survoler sans jamais les toucher. Ce fut à ce moment magique qu’il l’aperçu : un ange.

Il venait de percer à travers les nuages et descendait vers la terre à une vitesse incroyable. Certains dire plus tard qu’il avait confondu avec un oiseau, mais il en était sûr ; c’était bien un ange.

Les ailes repliés sur le dos d’un corps d’homme. Soudain les ailes de celui ci s’ouvrirent et sa chute fut ralenti. Il disparut entre deux maisons.

Le garçon posa son violon et se leva. Il essaya de voir où était passé l’être divin. Il ne voyait rien. Il ne le voyait pas. Alors qu’un étrange silence tombait sur la ville, même les oiseaux s’étaient tu. Il entendit un cri strident qui le surpris au point de le faire tomber. Il dut se retenir pour ne pas finir sur le sol devant chez lui.

Le cri l’avait tétanisé et il ne lâcha pas le rebords de la fenêtre par laquelle il était arrivé. Un frison parcourut toute son échine quand il vit à nouveau l’ange, mais celui-ci était suivi de nombreuses formes bleus qui remontaient vers les nuages. Le garçon lâcha le rebords, prit son violon et en joua, ferma les yeux, et joua ! Peu importe si ce moment était réel, il fallait que l’ange se souvienne de sa musique : il devait pouvoir le reconnaître un jour…